Schizophrénie : l’efficacité des soins de réhabilitation dans les Centres Experts FondaMental
La réduction et le contrôle des symptômes ne suffisent plus pour parler de stabilisation ou de rémission de la maladie. Les dernières recherches thérapeutiques permettent aussi d’aider les personnes atteintes de schizophrénie à améliorer leur fonctionnement et leur qualité de vie au quotidien. Dans une méta-analyse récente (2), seulement 13,5% des personnes atteintes de schizophrénie répondaient aux critères de rémission clinique.
Pourtant, de nombreux patients pourraient être profondément améliorés par des interventions psychosociales, dites aussi soins de réhabilitation, comprenant la psychoéducation, la thérapie de remédiation cognitive, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et l’entraînement aux habiletés sociales.
Le point sur les stratégies de réhabilitation dans la littérature internationale
Des études ont déjà démontré leur efficacité pour réduire les rechutes psychotiques et améliorer l’observance des médicaments.
Cela étant, ces travaux présentent quelques limites : la plupart ont évalué une technique spécifique et non l’association de plusieurs interventions. Par ailleurs, peu de ces études ont été menées en « vie réelle ».
Centres Experts FondaMental schizophrénie : une étude multicentrique, en « vie réelle »
A l’appui des nombreuses données recueillies lors des consultations, le réseau des dix Centres Experts FondaMental schizophrénie a souhaité explorer l’accessibilité et l’efficacité des différents soins de réhabilitation parmi les patients suivis ou reçus. Pour ce faire, les auteurs ont analysé la proportion de ceux ayant bénéficié d’interventions psychosociales entre 2010 et 2015 au sein du réseau, ainsi que l’efficacité de ces stratégies à un an. L’étude a porté sur 183 patients cumulant à la fois un bilan initial et une visite de suivi entre 2010 et 2015.
Les patients de l’étude ayant bénéficié de l’une ou plusieurs des quatre interventions psychosociales proposées ont nettement amélioré leurs symptômes positifs et négatifs , ainsi que leur flexibilité mentale et leur fonctionnement à un an par rapport à ceux qui n’en ont pas bénéficié.
Les soins de réhabilitation améliorent significativement les symptômes, la flexibilité mentale et le fonctionnement
Les résultats sont sans appel. Les patients de l’étude ayant bénéficié de l’une ou plusieurs des quatre interventions psychosociales proposées ont nettement amélioré leurs symptômes positifs (hallucinations, idées délirantes) et négatifs (retrait social, manque d’énergie et de motivation, émoussement des émotions), ainsi que leur flexibilité mentale et leur fonctionnement à un an par rapport à ceux qui n’en ont pas bénéficié. Ces résultats augmentent d’ailleurs significativement avec le nombre d’interventions.
Parmi les différentes thérapies, les thérapies cognitivo-comportementales et l’entraînement aux habiletés sociales sont associés à des améliorations cognitives plus élevées, en particulier concernant la vitesse de traitement et la flexibilité mentale. La remédiation cognitive est associée à une amélioration clinique des symptômes positifs et négatifs, au-delà des troubles cognitifs. Ces effets sont d’ailleurs supérieurs à leur cible initiale d’après les chercheurs.
Les interventions psychosociales insuffisamment disponibles
Pour autant, dans les faits, les soins de réhabilitation sont peu accessibles en pratique courante, comme en témoignent plusieurs travaux.
En 2010, seuls 15% des 6007 participants atteints de schizophrénie appartenant à la cohorte française ESPASS (3) et 36,5% des 1 825 personnes atteintes de schizophrénie ayant participé à une enquête nationale australienne (4) étaient engagées dans une forme de réadaptation psychosociale (comprenant des interventions psychosociales, des interventions familiales et des emplois protégés).
Dans notre étude (1), sur les 183 patients de l’échantillon, seuls 7 patients (3,8%) avaient bénéficié d’une intervention psychosociale avant la première évaluation en Centre Expert. L’entrée dans le dispositif des Centres Experts a un effet bénéfique puisque 35% des patients (64 personnes) ont pu bénéficier d’une ou plusieurs interventions psychosociales à l’issue de la première évaluation (thérapie de remédiation cognitive pour 19,7%, thérapie cognitivo-comportementale pour 15,8%, psychoéducation pour 16,9% et formation en aptitudes sociales pour 9,8%).
« Ces taux restent toutefois insuffisants au regard des besoins et des bénéfices thérapeutiques », rappelle le Dr Julien Dubreucq (Centre Hospitalier Alpes Isère, centre référent de réhabilitation psychosociale, Grenoble). « Le manque de ressources, de formation spécifique, ou de temps, mais aussi le nombre important de patients et le manque de personnels formés sont les obstacles les plus fréquents à la mise en œuvre de ces interventions ».
Améliorer l’accès aux interventions psychosociales devrait être une priorité de sante publique
« Les conséquences des interventions psychosociales se mesurent à court, moyen et long terme pour ces patients », plaide le Dr Julien Dubreucq.
Les TCC en particulier améliorent significativement la participation aux activités communautaires et le fonctionnement global, tandis que la psychoéducation apporte une amélioration conséquente sur l’adhésion aux soins.
« A l’avenir, il nous faudrait évaluer d’autres offres de soins et de services, comme l’emploi et le logement accompagné par exemple. De même, il serait intéressant de mesurer plus finement l’impact sur le rétablissement personnel des personnes que nous suivons. »
Proposer une prise en charge efficace passe par une mobilisation des futures politiques de santé publique afin de faciliter un accès systématique, dans une approche médicale personnalisée qui redonne au patient une autonomie au quotidien et prévient des hospitalisations et des rechutes répétées.
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Source :
2. Jääskeläinen E, Juola P, Hirvonen N, McGrath JJ, Saha S, Isohanni M et al (2013) A systematic review and meta-analysis of recovery in schizophrenia. Schizophr Bull 39:1296–1306
3. Leguay D, Rouillon F, Azorin JM et al (2010) Evolution of the social autonomy scale (EAS) in schizophrenic patients, depending from their management. L’Encéphale 36:396–407
4. Morgan VA, Waterreus A, Jablensky A et al (2011) People living with psychotic illness 2010. Report on the second Australian national survey. Commonwealth of Australia, Canberra