«Les schizophrénies à début précoces ou très précoces sont associées à un retard de diagnostic de plusieurs années, ainsi qu’à des symptômes plus sévères.»
Dr Nathalie Coulon, chercheuse en psychiatrie et addictologie, Hôpitaux Universitaires Henri Mondor (Université Paris Est, Créteil) et Centre Expert Schizophrénie (Centre Hospitalier Alpes Isère, Grenoble), membre de l’Alliance FondaMental.
Les schizophrénies à début précoce (EOS, Early Onset Schizophrénia), qui se déclarent avant l’âge de 18 ans, et en particulier les schizophrénies à début très précoce (VEOS, Very Early Onset Schizophrenia), qui se déclarent avant l’âge de 13 ans, sont des entités pathologiques encore aujourd’hui mal connues du public et des professionnels, en comparaison avec les schizophrénies à début adulte (AOS, Adult Onset Schizophrenia), dont les premiers symptômes apparaissent à partir de l’âge de 18 ans.
L’objectif de notre étude était de comparer la symptomatologie clinique entre des sujets avec schizophrénie à début précoce (176 sujets), et en particulier le sous-groupe des sujets avec schizophrénie à début très précoce (22 sujets), aux sujets dont la schizophrénie s’est déclarée à l’âge adulte (551 sujets).
La méthodologie s’inscrivait au sein du réseau national français des centres experts schizophrénie de la Fondation FondaMental dans la cohorte FACE-SZ (FondaMental Academic Centers of Expertise for Schizophrenia). 727 sujets avec schizophrénie ont donc été classés selon l’âge de début des troubles et ont été évalués à l’aide d’une batterie de tests cliniques et neuropsychologiques standardisée et extensive. L’équipe du Centre Expert FondaMental de l’hôpital A. Chenevier à Créteil avec le Professeur Marion Leboyer et le Professeur Schürhoff coordonnait le travail.
Les résultats pour les 727 sujets représentent dans la littérature scientifique, au moment de la publication, le plus vaste échantillon étudié selon le prisme de l’âge de début des troubles. Ils mettent en évidence l’importance de mieux diagnostiquer ces sujets avec schizophrénie précoce (EOS) et très précoce (VEOS) avec un indicateur pronostique, la DUP (Duration of Untreated Psychosis), c’est-à-dire la durée pendant laquelle la psychose n’est pas traitée. Cette durée est largement majorée : 2.6 ans (± 4.1) pour les sujets avec schizophrénie précoce (EOS), dont 8.1 ans (± 5.7) pour les sujets avec schizophrénie très précoce (VEOS), en comparaison aux sujets pour lesquels les symptômes sont apparus à l’âge adulte (AOS) où la DUP est plus classique avec une moyenne d’1 an (± 2.5 ans).
Sont aussi retrouvés pour ces sujets avec schizophrénie précoce ou très précoce (EOS-VEOS) des scores de PANSS[i] plus sévères et un niveau d’éducation inférieur aux sujets à début plus tardif. De plus, dans le sous-groupe VEOS sont notés plus fréquemment des antécédents de troubles des apprentissages et une moins bonne latéralisation[ii] , liée à un impact neurodéveloppemental certainement plus prononcé chez ces sujets.
En conclusion, la comparaison des sujets avec schizophrénie, selon l’âge de début des troubles, montre un gradient de sévérité du plus précoce au plus tardif (VEOS > EOS > AOS).
Il apparaît majeur de mieux connaître ces sujets avec un début précoce, voir très précoce, qui ont un retard au diagnostic, afin d’améliorer leur diagnostic et leur prise en charge.
[i] L’échelle des symptômes positifs et négatifs (Positive And Negative Syndrome Scale) est une échelle médicale utilisée pour mesurer la sévérité des symptômes chez les patients atteints de schizophrénie.
[ii] Caractéristique des individus qui se servent préférentiellement d’une seule main : c’est être gaucher ou droitier.