Qu’est-ce que le rétablissement ?
Dr Julien Dubreucq : Le rétablissement est un processus non linéaire plus qu’un état à proprement parler. On parle de rétablissement lorsque la personne malade parvient à reprendre du pouvoir sur sa vie, à se projeter, malgré la maladie. Il n’est donc pas synonyme de guérison clinique mais il signifie que, malgré la persistance de certains symptômes, une personne a retrouvé des ressources intérieures pour se reconstruire et appréhender la vie avec plus de confiance, voire de la joie.
Comment est-ce que les soignants et soignantes peuvent aider au rétablissement de leurs patient(e)s ?
Dr J.D. : Cela demande tout d’abord de sortir d’une conception pessimiste très largement répandue au sein de notre discipline, selon laquelle les maladies psychiatriques sont associées à une aggravation inexorable des situations médicales et sociales. Ensuite, il nous faut agir sur plusieurs dimensions : la rémission des symptômes est importante, renouer des relations sociales, être indépendant(e), prendre soin de sa santé physique…, sont d’autres aspects tout aussi essentiels. Pour accompagner les patient(e)s dans ce processus, nous nous appuyons sur différents outils : la psychoéducation, le recours à des pairs-aidants, les thérapies cognitives et comportementales, l’intervention d’équipes mobiles… Mais, au-delà des outils, il nous faut avant tout envisager le soin comme une co-construction qui part des besoins exprimés par la personne soignée. Il faut faire avec elle et non pas pour elle !
Le rétablissement est-il possible pour toutes et tous ?
Dr J.D. : Oui. Dès l’annonce du diagnostic, j’aborde le sujet avec les patient(e)s. Je leur parle d’espoirs tangibles, de la possibilité d’améliorer leur fonctionnement quotidien et de réaliser des projets de vie signifiants comme accéder à un logement autonome, travailler, vivre en couple et avoir des enfants. Je leur dis que 100% des personnes peuvent se rétablir, au sens existentiel du terme, malgré la persistance de certains symptômes ou de limitations fonctionnelles liées à la pathologie. Les témoignages de patient(e)s sur YouTube sont de formidables outils pour donner corps à ces propos.
Cela paraît iconoclaste pour un psychiatre de recommander des vidéos sur YouTube
Dr J.D. : Peut-être mais c’est d’une grande efficacité. Je recommande par exemple les vidéos de Luc Vigneault, atteint de schizophrénie et le premier à avoir occupé des fonctions de pair-aidant au Québec. Il y raconte sa propre expérience. Il n’élude pas les difficultés, il décrit le rétablissement avec des mots très forts .
Je suis une personne, pas une maladie.
Luc Vigneault,
atteint de schizophrénie
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* Dr Julien Dubreucq est psychiatre au Centre référent de réhabilitation psychosociale de Grenoble, Centre Expert FondaMental.