La schizophrénie et les troubles bipolaires sont classés depuis le début du XXe siècle comme deux états neuropsychiatriques distincts. À l’heure actuelle, ces troubles appartiennent à différentes catégories de diagnostics, conformément au Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5).
Cependant, leurs symptômes cliniques, leur évolution, leurs déficits neurocognitifs, leurs anomalies génétiques et leurs traitements pharmacologiques se chevauchent considérablement, soulevant la question d’un support neurobiologique commun.
Qu’est-ce que le concept de « dysconnectivité » ?
Comme le montre la recherche récente, les différentes parties du cerveau sont reliées entre elles par des voies de connexion multiples qui forment des réseaux. Le concept de dysconnectivité met en lumière le principe d’un cerveau « câblé » : il ne suffit pas, pour son fonctionnement, qu’il dispose d’aires cérébrales intactes, mais encore que ces aires soient correctement reliées et puissent échanger correctement les informations entre elles.
D’après ce concept, c’est l’altération de la substance blanche, qui contient les « câbles » reliant les aires cérébrales, qui serait à l’origine des symptômes de la maladie.
Jusqu’ici employé pour la schizophrénie, ce concept de dysconnectivité semble être aussi applicable aux troubles bipolaires.
C’est en tout cas ce que démontre cette revue systématique de la littérature réalisée par une équipe française grâce au financement de la Fondation FondaMental et basée sur les dernières études publiées sur les deux pathologies.
La plupart des études (18 sur 23) n’ont signalé aucune différence entre les groupes de patients
La substance blanche du cerveau se compose de millions de câbles de communication, chacun contenant un long axe unique (nommé axone), entouré d’une substance grasse blanche, nommée myéline. Ces câbles blancs relient les neurones d’une région du cerveau à une autre.
D’après les résultats des études, des modifications de la densité des oligodendrocytes (des cellules essentielles qui forment la gaine de myéline) et de la coloration de la myéline ont été observées de façon identique, à la fois dans la schizophrénie et les troubles bipolaires.
De même, plus de la moitié des études d’imagerie (IRM cérébrale) ont mis en évidence une diminution commune du signal au niveau de la radiation thalamique antérieure droite (une voie qui contient les fibres nerveuses qui relient le cortex frontal au thalamus), ainsi que des altérations du corps calleux (qui relie les deux hémisphères du cerveau entre eux pour assurer le transfert d’information et leur coordination), du fascicule longitudinal (qui relie les cortex auditifs et moteurs) et de la corona radiata (qui appartient à la substance blanche).
Sur le plan génétique, une expression commune des gènes, des protéines et des ARNm (les messagers entre l’ADN et les protéines) a été observée dans les deux pathologies.
La schizophrénie et les troubles bipolaires pourraient-ils être une seule maladie ?
Pour le Pr Josselin Houenou (Inserm, CEA, Neurospin), «ces résultats confortent l’hypothèse de la dysconnectivité en montrant que les troubles résultent en partie d’une altération des réseaux de régions cérébrales au niveau de la substance blanche, plutôt que de régions indépendantes. Les études neuropathologiques ont aussi révélé des facteurs cellulaires et moléculaires clés contribuant à une myélinisation et une connectivité altérée chez ces patients.»
Cette absence de différences significatives entre les patients atteints de schizophrénie et de troubles bipolaires semble bien confirmer que ces maladies ne sont certainement pas des entités entièrement différentes au niveau de la neuropathologie de la substance blanche.
Une remise en question des concepts est probablement à venir
En suggérant une origine neurale, cellulaire et génétique commune entre la schizophrénie et les troubles bipolaires, les études de neuroimagerie et de neuropathologie confirment le chevauchement considérable qu’il existe entre ces maladies.
Les troubles psychotiques et les troubles de l’humeur font partie des maladies mentales les plus invalidantes dans le monde. Grâce à la compréhension de leurs mécanismes d’apparition, il sera probablement possible à l’avenir de considérer leurs mécanismes communs pour mieux les traiter et les prévenir.
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Source : Neuroscience and Behavioral Rev. From the microscope to the magnet: disconnection in schizophrenia and bipolar disorder. Ji et al.