Le Dr Antoine Yrondi est responsable du Centre Expert Dépression résistante du CHU de Toulouse. Premier auteur de l’article sur les liens entre la maltraitance infantile et le pronostic de la dépression, porté par les 13 Centres Experts dépression, il nous apporte ses éclairages.
Pourquoi étudier la maltraitance infantile ?
Nous savons que le trouble dépressif majeur dépend de différents facteurs environnementaux et biologiques.
De nombreux travaux ont démontré qu’un stress précoce et des expériences traumatisantes, surtout pendant l’enfance, sont très fréquemment associés à des psychopathologies à l’âge adulte.
C’est particulièrement vrai dans le trouble dépressif majeur : plus de 50 % des patients ont subi au moins un mauvais traitement pendant l’enfance.
Quelle est l’originalité de cette étude ?
Il a déjà été établi que la maltraitance infantile chez les patients souffrant de dépression est associée à une évolution clinique défavorable, à la présence de caractéristiques de psychose et à des taux plus élevés de tentatives de suicide.
Dans cette étude, nous avons porté notre attention sur l’impact de la maltraitance infantile sur la résistance au traitement.
Comment avez-vous procédé ?
Au sein de la cohorte de patients suivis dans les 13 Centres Experts FondaMental dédiés à la dépression résistante, nous avons étudié les liens entre la maltraitance infantile, la gravité des symptômes dépressifs et la rémission des symptômes sur un an.
Sur 256 patients ayant renseigné le questionnaire de maltraitance infantile entre 2012 et 2019, 135 d’entre eux ont été suivis pendant un an.
Quels résultats avez-vous observé ?
Nos résultats suggèrent un lien entre la maltraitance infantile (surtout physique et sexuelle) et l’évolution péjorative dans la dépression résistante.
On ne peut toutefois pas parler d’association claire. En effet, après un suivi d’un an, aucune différence significative n’a été mise en évidence entre le score de maltraitance infantile et la réponse au traitement.
Cependant, en cas de rémission, le score de maltraitance était moins important (pour chaque augmentation d’un point du score de maltraitance, le risque de rechute est de 1,03).
Comment expliquez-vous ces résultats ?
L’hypothèse la plus sérieuse met en cause une activation du système immuno-inflammatoire, déjà connue chez les patients souffrant de dépression résistante au traitement.
Certaines études ont d’ailleurs montré que la maltraitance infantile augmente l’inflammation à l’âge adulte. Cet état inflammatoire chronique influence négativement les monoamines, véritables cibles thérapeutiques de certains antidépresseurs, et contribuerait ainsi à la résistance au traitement.
Quelles sont les perspectives ?
Elles sont de deux ordres :
- En termes thérapeutiques, l’histoire du patient est importante pour adapter au mieux la prise en charge sur le long terme.
- En matière de recherche, il nous faut poursuivre l’effort. Il nous faudrait mener la même étude en prenant en compte un suivi dans le temps plus long.
Les travaux sur le rôle de l’inflammation dans la dépression doivent continuer et des pistes prometteuses émergent également sur les liens entre les fonctions cognitives et le pronostic.
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