Repenser le diagnostic et le traitement des troubles dépressifs à la lumière des anomalies immunitaires : La recherche européenne ouvre la voie vers la psychiatrie de précision
La Fondation FondaMental et ses partenaires sont fiers d’annoncer les résultats de l’étude MOODSTRATIFICATION, financée dans le cadre des programmes européens Horizon2020. Cette collaboration entre douze équipes de recherche européennes ouvre la voie vers une révolution dans le traitement des troubles dépressifs. Réalisée entre 2018 et 2023, cette étude a permis de cibler des anomalies immunitaires contribuant au développement des troubles de l’humeur sévères, permettant une meilleure prise en charge des patients grâce à des traitements modulants ces anomalies.
Des signatures biologiques pour les troubles dépressifs
L’étude MOODSTRATIFICATION avait pour objectif de mieux comprendre les mécanismes immunitaires sous-jacents aux troubles de l’humeur, en identifiant des signatures clinico-biologiques permettant de définir des sous-groupes homogènes de patients atteints de dépressions unipolaire et bipolaire et de leur proposer une thérapie ciblée et adaptée. L’étude s’est concentrée sur des altérations affectant des cellules immunitaires particulières notamment les lymphocytes T régulateurs et les lymphocytes Th17, deux acteurs importants de la régulation des processus inflammatoires.
Les résultats issus de l’étude MOODSTRATIFICATION ont apporté la preuve de la faisabilité et de la possibilité de personnaliser les stratégies thérapeutiques en fonction des anomalies immunitaires identifiées chez les personnes atteintes de dépressions. L’identification de ces signatures immunitaires ouvre ainsi la voie à la psychiatrie de précision qui, à l’image de ce qui a été réalisé en cancérologie ou en cardiologie, permettra de proposer à chaque patient un traitement sur mesure.
Un diagnostic plus précoce et plus précis pour les troubles bipolaires
Ces signatures immunitaires permettent également de distinguer les anomalies immunitaires observées chez les patients atteints de Trouble Dépressif Majeur (TDM) ou de dépressions bipolaires (TB). Aujourd’hui, on estime à 10 ans en moyenne le temps écoulé entre un premier épisode bipolaire et l’instauration d’un traitement adapté. Ce décalage s’explique par la difficulté à poser un diagnostic de troubles bipolaires ou de trouble dépressif majeur devant un premier épisode dépressif. L’étude MOODSTRATIFICATION a permis d’identifier des biomarqueurs spécifiques aux deux types de troubles, ouvrant la voie à un diagnostic plus précoce et plus précis et par voie de conséquence à une prise en charge plus adaptée.
De nouvelles thérapies personnalisées
Au sein du projet MOODSTRATIFICATION, les équipes françaises que sont le Département de Psychiatrie (Pr M. Leboyer, Dr. R. Tamouza) et le Centre d’Investigation Clinique (Pr P. Le Corvoisier) de l’hôpital Henri Mondor à Créteil, et le laboratoire d’immunologie « Biothérapies » de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (Pr Klatzman) en collaboration avec la société de biotechnologie ILTOO, ont réalisé un essai thérapeutique dans la dépression bipolaire. Ainsi, l’efficacité de faibles doses de la cytokine interleukine 2 (IL-2) administrée en même temps que le traitement anti-dépresseur usuel dans le traitement de la dépression bipolaire a été validée. En raison des propriétés de modulation de l’inflammation de l’IL-2 à faible dose, cette stratégie thérapeutique a permis d’augmenter le nombre d’un sous-groupe bénéfique de cellules immunitaires (les lymphocytes T régulateurs) et de réduire les symptômes dépressifs.
Nos collègues européens ont de plus testé l’efficacité d’une hormone du thymus sur les symptômes dépressifs lors d’un essai ouvert sans comparaison avec un placebo. Mené auprès d’un petit groupe de cinq patients dépressifs, cette thérapie a ralenti le vieillissement précoce des lymphocytes T qui caractérise cette pathologie et a permis l’amélioration des symptômes dépressifs.
Dans l’ensemble, les données de l’étude MOODSTRATIFICATION montrent clairement que les traitements (qu’ils ciblent un mécanisme immunitaire ou non) ne conviennent pas à tous les patients de la même manière, et qu’il faudra à l’avenir proposer aux les patients déprimés de tests immunitaires pour permettre d’orienter précisément un traitement personnalisé sur les mécanismes à l’origine de leurs troubles.
Les résultats de l’étude MOODSTRATIFICATION marquent un tournant dans la compréhension et le traitement des troubles de l’humeur. En identifiant les causes immunitaires sous-jacentes de ces troubles, nous progressons vers l’identification des sous-groupes homogènes de patients pour pouvoir proposer à chacun un traitement sur mesure. Ces avancées ont le potentiel de transformer la prise en charge des patients et de leur redonner espoir. Cependant, pour que ces découvertes atteignent leur plein potentiel, il est nécessaire de sensibiliser à tous les niveaux, des patients aux médecins en passant par les décideurs politiques, à l’importance de l’immuno-psychiatrie, et de fournir les fonds nécessaires pour soutenir la recherche, la formation et les essais cliniques futurs.
Marion Leboyer, Directrice générale de la Fondation FondaMental.
À propos de MOODSTRATIFICATION :
Le projet MOODSTRATIFICATION est un projet de recherche européen, porté par 12 instituts de recherche européens provenant de 7 pays différents : les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne, la France, l’Italie, le Danemark et Israël. Il est coordonné par le professeur Hemmo Drexhage à l’ErasmusMC aux Pays-Bas. Ce projet vise à identifier des anomalies immunitaires caractéristiques de certaines pathologies psychiatriques grâce à des analyses sanguines, et à concevoir des traitements innovants corrigeant ces anomalies immunitaires avec un effet bénéfique sur l’évolution du trouble psychiatrique.
Contact Presse :
Mathilde Couderc – mathilde.couderc@agence-constance.fr – 07 57 68 30 62