« L’inflammation, notamment intestinale, joue un rôle important dans les troubles psychiatriques et les comportements suicidaires »
Julie Brouillet, doctorante dans le laboratoire de NeuroPsychiatrie Translationnelle (Inserm U955, Université Paris Est Créteil)
Le suicide représente aujourd’hui 1,2% des décès dans le monde, et les patients souffrant de troubles de l’humeur (troubles bipolaires ou dépression) sont plus à risque que la population générale. La littérature scientifique apporte de plus en plus de preuves que l’inflammation joue un rôle important dans les troubles psychiatriques et les comportements suicidaires.
L’axe intestin-cerveau est une piste prometteuse de recherche en psychiatrie, puisqu’il constitue une voie de communication entre le système nerveux central et la périphérie. Les dysfonctionnements de cet axe peuvent être explorés par l’analyse de marqueurs biologiques mesurables au niveau sanguin.
Dans le cadre d’une cohorte de patients atteints de dépressions avec ou sans comportements suicidaires dont l’investigateur principal est le Pr Philippe Courtet (Université de Montpellier) et dont les analyses immunologiques ont été réalisées par l’équipe du Dr Ryad Tamouza (immunologiste, AP-HP, Inserm et UPEC) nous avons comparé les niveaux sanguins de plusieurs protéines associées à l’inflammation et à la modification de la perméabilité intestinale, entre des patients atteints de dépression (n=168) ou de troubles bipolaires (n=137), avec ou sans comportements suicidaires (n=133 et n=172 respectivement) .
Nous avons mis en évidence des niveaux plus élevés de protéine C-réactive (CRP, marqueur de l’inflammation) et des niveaux moins élevés d’IFABP (Intestinal fatty-acid binding protein ; marqueur de perméabilité intestinale qui intervient dans métabolisme des acides gras intestinaux) chez les patients atteints de troubles de l’humeur ayant déjà effectué une tentative de suicide. Une augmentation de la calprotectine, marqueur de l’inflammation intestinale, est retrouvée uniquement chez les patients déprimés, indiquant une inflammation intestinale potentiellement plus sévère et spécifique de cette maladie.
Ce résultat suggère une inflammation intestinale et sanguine plus élevée dans les cas de comportements suicidaires, ce qui est cohérent avec les résultats d’études précédentes menées dans plusieurs pays. Nous concluons également sur une possible altération de la perméabilité intestinale associée au comportement suicidaire, ce qui reste à confirmer car la seule autre étude de l’IFABP dans le suicide (en 2019) rapportait un résultat contraire mais sur une beaucoup plus petite cohorte.
Des études futures dans le domaine florissant de l’immunopsychiatrie (longitudinales et sur de plus grandes cohortes) pourraient permettre de tester l’efficacité de ces marqueurs pour prédire et prévenir les tentatives de suicide au cours des troubles de l’humeur.
