PeaceOfMinds.info : Mot de soutien d'Anne Sinclair, marraine de la plateforme
À la suite des violentes attaques au Moyen-Orient qui ont commencé le 7 octobre, la Fondation FondaMental lance la plateforme PeaceOfMinds.info afin d’apporter une première aide psychologique aux Israéliens et Palestiniens touchés par le conflit. Marraine de la plateforme, Anne Sinclair, journaliste, a souhaité nous partager quelques mots sur la situation.
«Je ne suis pas familière de communications scientifiques.
Je ne connais pas grand-chose aux maladies mentales.
J’approche le sujet avec l’absence de culture des ignorants ; avec même une relative distance que je mets sur le compte de la bonne santé apparente des sujets dits « bien portants », avec ce que cette expression peut avoir de primaire.
Mais je suis comme tout le monde face à des événements qui ont autant d’impact sur nos vies que ce qui se passe depuis le 7 octobre.
Comme journaliste de surcroît, depuis les massacres du Hamas en Israël et les bombardements sur Gaza, je vis sous l’emprise de la stupeur et de l’accablement. Et j’imagine tous les jours ce que doivent ressentir ceux et celles qui ont échappé à la mort, mais ont vécu un désastre qu’ils n’auraient même pas pu imaginer. Ou même ce qu’éprouvent ceux qui sont émotionnellement ébranlés dans leur vie de tous les jours par l’horreur des récits ou des images auxquels ils ont eu accès directement ou indirectement. Et les questions basiques qu’ils doivent se poser face à ce qu’ils traversent : comment gérer mon anxiété, comment faire moins de cauchemars, comment répondre aux questions de mes enfants, et même, est-ce normal si je me sens bien ?
J’avais eu une réaction similaire après le 24 février 2022, au moment de l’invasion de l’Ukraine, suivie des bombardements de Kharkiv et de Marioupol ou des tueries de Boutcha.
Il s’agit cette fois de la population d’Israël et de Gaza. Et en tant que femme, mère et désormais grand-mère, je me projette sur ces deux petits bouts de territoire, Israël et Gaza, avec terreur à la pensée des bébés martyrisés à Kfar Aza ou à Be’eri ou à celle des petits cadavres que les mères de Gaza ramassent dans les décombres des bombardements.
On sait à quel point tout est en ruine à Gaza. Je ne peux même pas imaginer ce que ressentent ou vont ressentir les femmes, hommes, enfants, qui, s’ils ont échappé aux bombes, vont partir à la recherche de leur maison, de leur quartier. Des endroits pourtant familiers mais devenus méconnaissables et rasés. Il va falloir faire face à cela. Il va falloir résister pour se reconstruire. Il va falloir expliquer aux enfants que leurs proches ont été écrasés sous les bombes, et qu’ils n’ont plus de maison ou d’école.
Il faut aussi imaginer le choc profond ressenti en Israël, puisque sont atteintes non seulement les familles des massacrés ou des kidnappés, mais aussi toute une population ébranlée jusque dans ce qui faisait sa raison d’être, sa sécurité après des siècles d’errance.
Je pense aux femmes qui ont échappé à la mort mais ont vécu ou vu des scènes insoutenables de tueries ou de viol. Je pense aussi aux enfants, dont on sait que les traces du traumatisme se feront longuement sentir s’il n’est pas traité : ce qu’ils ont vu, entendu, qu’a-t-on appris à ceux qui étaient otages, et je pense sans cesse à cette toute petite fille de 4 ans, Abigaïl, dont les parents ont été assassinés, devant elle, avant qu’elle ne parte 7 longues semaines enfermée dans un tunnel.
Je lis les récits, j’ai vu les images, beaucoup d’images, pas toutes heureusement. Mais elles sont insoutenables. Même pour nous ici en France. Les ravages vont se faire sentir très longtemps.
Nous n’avons pas le pouvoir de changer la guerre et le monde, mais il y a des gens qui s’attachent à le réparer.
C’est ce qu’a décidé de faire la Fondation FondaMental pour venir en aide aux survivants de part et d’autre.
La vie de Marion Leboyer est dédiée à la santé mentale et les prix qu’elle a récoltés et le respect qui l’entoure sont là pour en témoigner.
La Fondation FondaMental a une expertise incomparable dans la recherche et le traitement d’expériences traumatiques, pour améliorer leur dépistage et le suivi de maladies psychiatriques. Et c’est à dessein que je parlais à l’instant de l’Ukraine car la Fondation a développé une application numérique, pour que les Ukrainiens et Ukrainiennes d’abord réfugiés en France puis de retour chez eux, puissent comprendre et accompagner eux-mêmes les troubles dont ils souffrent.
Cette application s’appelle Peace of Minds, elle va être mise à disposition des Israéliens et des Gazaouis en hébreu et en arabe, en français et en anglais. La professeure Coraline Hingray l’a mise au point et elle vous en parlera.
Moi, je l’ai vue, j’y ai navigué. Vous aurez les détails. Cette plateforme ne guérit pas, mais elle est simple et elle peut rassurer. Elle peut briser un isolement, permettre de savoir si l’on ne va pas bien, si l’on peut identifier les troubles que l’on éprouve, et surtout si l’on a besoin d’aide pour s’en sortir. Elle sera une aide dans le dénuement dans lequel se trouve des personnes qui sont perdues, qui n’ont plus de structures où s’adresser, soit parce qu’elles sont détruites, soit parce qu’elles sont submergées. C’est un travail remarquable de finesse, d’intelligence et d’ergonomie, puisqu’il s’agit de populations avec des besoins à la fois simples et graves.
Voilà pourquoi j’ai voulu apporter mon très modeste concours à ce qui est une œuvre utile et pétrie de générosité et pourquoi j’ai accepté d’être marraine de ce projet.