Angèle Malâtre Lansac_Grande interview
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Angèle Malâtre-Lansac réagit aux déclarations de Matignon concernant l'attribution à la santé mentale du label "Grande Cause Nationale 2025"

Publié le 24 septembre 2024

Angèle Malâtre Lansac, Déléguée Générale de l’Alliance pour la Santé mentale

Angèle Malâtre Lansac, vous êtes Déléguée Générale de l’Alliance pour la santé mentale ; et avez accumulé une grande expérience dans ce domaine. Fin 2023, vous avez lancé, avec un collectif de 23 acteurs représentant à ce jour plus de 3 000 structures travaillant dans le champ de la santé mentale au sens large, une grande campagne pour faire de ce sujet la Grande Cause Nationale en 2025. 

En quoi la reconnaissance de la santé mentale comme Grande Cause Nationale peut-elle avoir un impact sur la prise en charge et la représentation des maladies mentales en France ?

La désignation de Grande Cause Nationale, attribuée par les pouvoirs publics depuis les années 70, permet de donner une visibilité accrue à un enjeu sociétal crucial. Ce label place la santé mentale au cœur des priorités publiques et médiatiques, en facilitant l’accès à des espaces de diffusion tels que la télévision, la radio et des campagnes auprès d’annonceurs publics et privés. Il s’agit d’une opportunité unique pour sensibiliser l’opinion publique et les décideurs, grâce à une campagne qui s’étend sur une année complète. Le Premier ministre Michel Barnier vient d’annoncer qu’il souhaitait faire de la santé mentale la Grande cause de 2025 : c’est une excellente nouvelle ! 

En France, et malgré leur prévalence, notamment chez les jeunes, les maladies psychiatriques restent souvent taboues, enveloppées d’un silence dommageable pour les personnes concernées comme pour leurs proches. Notre objectif est d’ouvrir le débat au sein des écoles, des universités, des familles, mais aussi des entreprises et de la vie sociale en général. Nous voulons transmettre un message simple : il est normal de parler de santé mentale, et tout le monde est concerné. 

Au-delà de la sensibilisation, cette campagne permettra de briser les stéréotypes, de mettre en lumière des témoignages de personnes qui vivent avec un trouble psychique, de proches, et de donner la parole à des porte-paroles inspirants. Cela inclut la lutte contre les idées fausses et le stigmate qui entoure certains troubles psychiques, comme la dépression, que 40 % des Français perçoivent encore comme une faiblesse. Nous voulons que cette Grande Cause change les perceptions, mais aussi améliore l’accès aux soins, et ce de manière précoce. D’autres pays ayant mené des campagnes similaires ont vu une augmentation significative du recours aux soins, alors qu’en France, près de 50 % des personnes touchées par les troubles ne veulent pas en parler ou savent pas vers qui se tourner. 

Quels objectifs concrets souhaitez-vous atteindre ?

Nos objectifs sont multiples et reposent sur quatre axes principaux : la déstigmatisation, le repérage précoce des troubles, la prévention et une meilleure formation des professionnels de première ligne, qu’ils soient du secteur médical, du milieu social, de la police ou encore du système judiciaire. Nous voulons également mobiliser des personnalités publiques – artistes, sportifs, chefs d’entreprise – pour porter ce message et susciter un intérêt autour d’un sujet encore trop souvent perçu comme intimidant.

Il est aussi essentiel de valoriser les innovations dans le domaine de la santé mentale, qu’elles soient organisationnelles, thérapeutiques ou technologiques. Nous souhaitons montrer le dynamisme positif du secteur, attirer des professionnels vers ces carrières et permettre à la recherche d’avancer.

Albert Einstein disait : « Il est plus facile de briser un atome que de briser un préjugé ». Comment lutter contre les idées reçues sur les maladies mentales, encore trop présentes dans notre société ?

La lutte contre les préjugés passe par la sensibilisation et la pédagogie. La littérature scientifique montre que le contact social direct ou indirect (rencontres, podcasts, témoignages écrits ou vidéo) est l’un des moyens les plus efficaces pour réduire la discrimination et la stigmatisation. À ce titre, l’OMS publiera un guide le 10 octobre prochain, qui recommande des messages spécifiques pour lutter contre ces idées reçues.

Notre campagne s’appuiera largement sur ces expériences vécues pour construire un discours qui fait écho à la réalité des personnes concernées et de leurs proches. Alors que 20 % de la population est touchée par un trouble mental chaque année, beaucoup de Français sous-estiment encore l’ampleur du phénomène, pensant que moins de 10 % sont concernés.

En quoi les activités de recherche et d’innovation, comme celles menées par la Fondation FondaMental, s’inscrivent-elles dans le discours à adresser aux décideurs politiques ?

Les innovations en santé mentale sont porteuses d’espoir et de changement. Qu’il s’agisse de nouvelles approches thérapeutiques, de la pair-aidance, de la télésurveillance, ou encore de l’intelligence artificielle et de la médecine de précision, il est essentiel que les décideurs publics et privés prennent conscience des avancées réalisées.

Les bénéfices que peuvent engendrer ces innovations sont significatifs, tant sur le plan économique que sur celui de la qualité de vie des patients et de leurs familles. Nous devons combattre l’idée reçue selon laquelle rien ne bouge en psychiatrie, et promouvoir un accès plus large aux innovations pour tous.

Au lendemain de l’annonce de son gouvernement, Michel Barnier a assuré vouloir que la santé mentale soit la «grande cause nationale» de 2025. À quoi pourrait ressembler la campagne de 2025 ?

La campagne de 2025 sera une opération médiatique à 360°, avec des actions ciblées tout au long de l’année. Des messages d’information, de prévention et de sensibilisation seront diffusés largement. De plus, nous prévoyons de déployer un calendrier d’action rythmé tout au long de l’année par des événements dédiés aux jeunes, au monde du travail, à la recherche et à l’innovation, ainsi qu’au secteur culturel, afin de montrer l’impact global de la santé mentale sur la société. Il s’agira également de mettre en lumière les innovations et les acteurs prometteurs de ce secteur.

Comment nos lecteurs peuvent-ils soutenir votre initiative ?

Notre collectif réunit déjà plus de 3 000 organisations dont la Fondation FondaMental qui était l’une des premières à nous rejoindre pour appuyer l’importance de la recherche et de l’innovation en psychiatrie. La pétition pour faire de la santé mentale la Grande Cause Nationale a recueilli plus de 42 000 signatures. Les lecteurs peuvent nous soutenir en signant cette pétition sur Change.org, en rejoignant le collectif via notre site santementale2025.org, ou en relayant notre message dans leur entourage.

Ensemble, nous pouvons faire de la Grande cause santé mentale un véritable levier de transformation pour les personnes vivant avec des troubles psychiques et leurs proches. 

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