La psychiatrie nutritionnelle, une discipline émergeante

La psychiatrie nutritionnelle est l'étude de l'impact de l'alimentation sur la santé mentale et cérébrale. La recherche s'en est saisie depuis quelques années et montre que le mode de vie, notamment l'alimentation, a un impact sur les neurotransmetteurs, les marqueurs inflammatoires et certaines hormones. Les changements biologiques qu'ils occasionnent influent sur la santé mentale et physique à long terme. Prendre soin de son alimentation c'est aussi prendre soin de son cerveau, contribuer à améliorer l'humeur, l'énergie et le bien-être général.
Psychiatrie nutritionnelle : une alimentation bonne pour la santé mentale

Psychiatrie nutritionnelle : faire le lien entre dépression et alimentation

La dépression est un trouble de l’humeur qui touche environ 5 % de la population adulte selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Elle se traduit systématiquement par des signes comme une tristesse persistante, une fatigue, une anhédonie (perte d’intérêt et de plaisir pour les activités). Elle est aussi caractérisée par d’autres symptômes tels que les troubles du sommeil, un sentiment de culpabilité ou des variations de l’appétit et du poids. De différentes formes et degrés de sévérité, la dépression peut survenir sous la forme d’un épisode unique (comme dans la dépression post-partum) ou récurrents comme en cas de trouble bipolaire. 

Le traitement classique de la dépression repose sur un trépied : une thérapie psycho-sociale, des médicaments et une bonne hygiène de vie. Habituellement, une combinaison de ces traitements est recommandée pour favoriser la guérison et prévenir de futures rechutes. 

Mode de vie et alimentation : quel impact sur la dépression ? 

 

Inflammation : quand le corps réagit

L’inflammation est un aspect important de la biologie de la dépression chez près de 40% des personnes concernées par ce trouble. Il s’agit d’une réaction de défense déclenchée par l’activation du système immunitaire en cas d’agression extérieure (infection, blessure, stress…). La réaction immédiate à cette agression permet à l’organisme de se défendre ; l’inflammation qui en résulte est généralement efficace pour éliminer l’intrus, puis disparaît. Cependant, un stress prolongé ou une activation prolongée de réponses immunitaires pro-inflammatoires, par exemple en cas de mauvaise alimentation ou de tabagisme, pourraient conduire à un état inflammatoire chronique de faible intensité. S’il est durable, il peut augmenter le risque de développer une dépression et entraver la guérison. 

La qualité de notre alimentation peut affecter la façon dont notre corps gère l’inflammation. De nombreuses études ont montré que la consommation excessive d’aliments de type occidental et de faible qualité nutritionnelle (par exemple, des boissons sucrées, des aliments frits et des aliments riches en graisses animales et sel ajouté) peut contribuer de manière significative à l’inflammation dans tout notre corps, y compris dans le cerveau. 

En revanche, le fait de suivre des régimes comme le régime méditerranéen traditionnel, basé sur une grande variété d’aliments d’origine végétale, semble diminuer l’inflammation.

La relation microbiote, intestin et dépression

Il y a du monde à table !

Chez l’être humain, l’ensemble des micro-organismes hébergés par le système digestif (ou microbiote intestinal) est composé de bactéries, champignons, virus et d’autres organismes microscopiques. Ils vivent tous ensemble dans notre corps, principalement dans nos intestins, et travaillent à nos côtés pour nous maintenir en bonne santé tout au long de notre vie.

Bien que chaque personne ait une composition unique de microbiote intestinal, nous pouvons néanmoins trouver certaines similitudes dans les types de micro-organismes composant nos microbiotes en fonction de l’âge, de la génétique (membres d’une même famille, vrais jumeaux) et notre environnement. Le microbiote et ses milliards de micro-organismes sont désormais considérés comme un élément crucial de nombreux processus biologiques directement liés au métabolisme mais aussi au système immunitaire, aux maladies auto-immunes ainsi qu’à la santé mentale et cérébrale. En prendre soin grâce à notre alimentation peut avoir une grande influence sur la façon dont nous nous sentons et fonctionnons au quotidien.

Comment prendre soin de votre microbiote au quotidien ?

L’un des principaux moyens de prendre soin de notre microbiote intestinal est de veiller à ce que notre alimentation contienne suffisamment de fibres. Manger des aliments riches en fibres comme des céréales complètes, des légumes, des fruits, des légumineuses, des noix et des graines est le meilleur moyen de fournir à notre système digestif une grande variété de fibres, qui agissent comme un carburant pour les bactéries bénéfiques de notre intestin, les aidant à maintenir un équilibre sain. 

Prendre soin de notre microbiote intestinal ne se limite cependant pas à ce qui il y a dans notre assiette ! La gestion du stress est l’un des facteurs pour la santé de notre microbiote, tout comme votre activité physique et la qualité de votre sommeil. Tous ces facteurs affectent le monde microbien et en améliorant sa qualité de vie vous pourrez prendre soin de votre santé intestinale et votre bien-être général.

Les aliments complets VS Les aliments ultra transformés

Lorsque nous parlons d’aliments complets, nous faisons généralement référence à des aliments qui sont dans leur état naturel ou proche de celui-ci, ce qui signifie qu’ils ont subi une transformation minimale et contiennent peu ou pas d’ingrédients ajoutés. La recherche montre que, contrairement aux aliments hautement transformés ou « ultra-transformés » contenant arômes artificiels, conservateurs et additifs, les aliments complets sont associés à un risque réduit de développer de nombreux problèmes physiques et mentaux, notamment des troubles de l’humeur.

Le rôle des phytonutriments sur notre métabolisme

Naturellement présents dans les plantes, les phytonutriments (aussi appelés substances phytochimiques) jouent un rôle essentiel dans la croissance des plantes et agissent comme mécanisme de défense contre les risques environnementaux qui les entourent. Il existe des centaines de phytonutriments connus, présents dans les fruits, les légumes et les herbes que nous consommons. Nous savons aujourd’hui qu’un grand nombre de composés bioactifs présents dans certains phytonutriments ont une forte capacité antioxydante qui pourrait réduire le stress oxydatif - lui-même à l’origine de maladies chroniques.

La discipline nous a aussi appris que les composés bioactifs des plantes que nous mangeons peuvent soutenir la fonction cérébrale en maintenant l’équilibre des produits chimiques dans le cerveau. En raison de leur capacité à équilibrer les substances chimiques du cerveau, les applications des phytonutriments dans la prise en charge des patients souffrant de troubles de l’humeur ou de dépression sont prometteurs. Certains composés phytochimiques ont déjà fait l’objet d’études pour leur capacité à équilibrer les substances chimiques du cerveau et permettre une meilleure gestion des troubles cérébraux liés à l’âge (comme la démence).

Des phytonutriments dans nos assiettes

On estime aujourd’hui à 4 000 le nombre de phytonutriments répartis en groupes et sous-groupes, dont beaucoup n’ont pas encore été officiellement classés. De nombreuses sources alimentaires d’origine végétale fournissent à notre corps une variété de phytonutriments. En voici quelques-unes :

  •  Les polyphénols : présents dans les céréales complètes, les légumineuses, les légumes, les fruits et les huiles. C’est l’un des composés phytochimiques les plus répandus dans l’alimentation humaine. Ils peuvent être utilisés pour prévenir les maladies cardiovasculaires, inflammatoires et neurodégénératives.
  •  Les caroténoïdes : abondants dans les légumes comme les carottes, les patates douces, la citrouille, les tomates…etc Ils sont reconnus pour leur puissant pouvoir antioxydant. 
  •  Les composés phénoliques : se trouvent dans les noix, les céréales complètes et les baies. Ils ont des propriétés à la fois antioxydantes et anti-inflammatoires
Felice Jacka, Professeur de psychiatrie nutritionnelle (Université Deakin, Australie)

Pr Felice Jacka et la psychiatrie nutritionnelle

Découvrez la Grande Interview Pr Felice Jacka, spécialiste en psychiatrie nutritionnelle et directrice du Food & Mood Centre à l'Université Deakin (Australie). Fondatrice et présidente de la Société internationale pour la recherche en psychiatrie nutritionnelle et pionnière dans le domaine innovant de la psychiatrie nutritionnelle, la professeure Jacka a joué un rôle clé en établissant les liens entre alimentation et santé mentale, démontrant que le régime alimentaire est à la fois un facteur de risque et une cible de traitement pour les troubles mentaux courants.

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