Point recherche du 29 mai - Ryad Tamouza
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Point recherche du 29 mai - Ryad Tamouza

Publié le 29 mai 2024

« Des altérations des cellules NK (natural killer) de l’immunité innée pourraient démontrer une origine infectieuse des troubles bipolaires. »

Dr Ryad Tamouza, chercheur et immunologiste (UPEC, H.U. Henri Mondor, Fondation FondaMental).

Chez de nombreux patients atteints de troubles bipolaires, on observe des perturbations du système immunitaire, notamment des altérations des lignées cellulaires immunes. Parmi celles-ci, les cellules tueuses natural killer (NK) jouent un rôle central dans la réponse immunitaire innée, la première ligne de défense de l’organisme contre toute agression potentielle. Les cellules NK sécrètent des médiateurs inflammatoires pour activer la réponse immunitaire. De plus, elles éliminent les cellules indésirables pour l’organisme, qu’elles soient infectées par un virus ou cancéreuses.

Les cellules NK assurent des fonctions physiologiques importantes comme la protection du fœtus pendant la grossesse, dans la tolérance au soi (qui prévient les attaques immunitaires contre son propre organisme), et la défense contre tout agent extérieur au placenta. Elles jouent donc un rôle crucial dans le déroulement normal des premières phases du neurodéveloppement. Ces propriétés en ont fait un candidat de premier plan pour mieux comprendre les processus immunitaires observés dans une pathologie psychiatrique comme le trouble bipolaire, où des dysfonctionnements des réponses immunitaires anti-infectieuses et les processus inflammatoires qui pourraient en découler ont été amplement rapportés.

Des chercheurs de la Fondation FondaMental et du centre d’immunologie et des maladies infectieuses de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris ont récemment publié dans la revue scientifique Neuroscience Applied un état des lieux des différents aspects des cellules NK dans le trouble bipolaire, et les ont comparés à d’autres pathologies psychiatriques comme les schizophrénies, la dépression et les troubles du spectre de l’autisme (TSA).

Dans les troubles bipolaires et les TSA, les cellules NK montrent une activation permanente anormale, comme si elles étaient soumises à des stimulations constantes. Les auteurs ont aussi montré l’existence d’anomalies fonctionnelles tel qu’un état d’épuisement cellulaire et la surexpression d’un récepteur de ces cellules que l’on ne rencontre quasi exclusivement que lors d’une infection virale par le cytomégalovirus, un virus de la famille de l’herpès ou de la varicelle. Le plus intriguant était le fait que les patients étudiés n’avaient aucun stigmate d’infection par cet agent ou par d’autres agents infectieux connus pour être impliqués dans le développement des pathologies psychiatriques. Cette constatation, réalisée pour la première fois, pose la question d’une origine infectieuse qui reste à déterminer pour ces maladies psychiatriques, ou celle d’un possible processus neurodéveloppemental commun à différentes maladies comme les psychoses ou les troubles du spectre autistique.

D’autres études, menées par les chercheurs des Hôpitaux Universitaires Henri Mondor (Créteil), ont également montré l’implication des molécules HLA non-classiques, dans le trouble bipolaire. Les molécules HLA classiques sont disposées à la surface des cellules et permettent au système immunitaire de différencier les cellules du soi et du non-soi. Toute cellule ayant des molécules HLA modifiées sera dont considérée comme un envahisseur potentiel et sera détruite par les cellules NK. Dans ces travaux, les chercheurs de Créteil ont souligné qu’une forte expression de HLA-DR, associée à un faible taux de cellules NKp30, semble être spécifique aux troubles bipolaires, ou du moins ne pas être observée avec de telles amplitudes chez les patients atteints de schizophrénie ou de TSA étudiés dans des conditions similaires.

Bien que les cellules NK soient encore insuffisamment étudiées dans les troubles psychiatriques, leur rôle semble crucial. Des approches d’immunothérapies basées sur leur utilisation et déjà éprouvées dans d’autres contextes cliniques comme la greffe de cellules souches hématopoïétiques (les cellules qui sont à l’origine de toutes les cellules sanguines de notre corps), pourraient offrir de nouvelles perspectives de traitement.

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