Pascal Mariotti et Emmanuelle Rémond
Actualité

Les présidents de l'UNAFAM et de l'ADESM soutiennent les Centres Experts FondaMental

Publié le 4 novembre 2024

Grande Interview Croisée :

  • Emmanuelle Rémond, présidente de l’Unafam
  • Pascal Mariotti, président de l’Adesm

Vous avez été élue présidente de l’Unafam en juin dernier, succédant à Marie-Jeanne Richard. Le dispositif gradué des Centres Experts est bien connu de l’Association. Selon vous, qu’apporte-t-il aux patients et à leur famille ? 

Emmanuelle Rémond : Les Centres Experts représentent une chance pour nous à l’Unafam, car nos proches souffrent de maladies psychiques sévères qui ont des impacts multiples aussi bien physiologiques, que cognitifs ou psychiques. Pouvoir aller dans un Centre Expert, dans lequel on effectue un bilan diagnostique complet, représente l’espoir d’être soigné et pris en charge dans toutes les dimensions du trouble psychique.

Sur le plan physiologique, certaines maladies, comme les troubles bipolaires, les troubles dépressifs, les schizophrénies, peuvent entraîner un syndrome métabolique (Ndlr : glycémie à jeun anormale, anomalie lipidique, excès de graisse abdominale, hypertension…) nécessitant une prise en charge adaptée. Il existe également un volet cognitif, car tout trouble psychique sévère persistant plus de six mois affecte le fonctionnement quotidien de la personne. En prenant en charge ces troubles cognitifs, il devient possible d’améliorer significativement la qualité de vie et la capacité de la personne à avoir une qualité de vie satisfaisante. C’est pourquoi les Centres Experts apportent aux patients des recommandations personnalisées qui s’appuient sur les derniers résultats de la recherche. 

En tant que président de l’AdESM (Association des établissements du service public de santé mentale) et directeur de l’hopital du Vinatier à Lyon, vous éclairez la réflexion des pouvoirs publics sur le financement de la psychiatrie ; également sur l’organisation et le renforcement de l’offre de soins. En quoi le modèle des Centres Experts représente-t-il un maillon utile et innovant dans le parcours de soin en psychiatrie ? 

Pascal Mariotti : Le modèle des Centres Experts constitue un maillon essentiel et innovant dans le parcours de soins en psychiatrie. Ces structures interviennent en complémentarité et continuité avec les services de proximité. Les Centres Experts, organisés par pathologie, permettent d’identifier des formes cliniques de maladies et de fournir des soins plus précis et ciblés, notamment pour des maladies complexes. Cette personnalisation des soins, fondée sur une expertise pointue et des protocoles diagnostiques standardisés, est une clé pour améliorer la prise en charge des patients en psychiatrie.

Au-delà des soins, les Centres Experts sont des lieux d’expertise et de recherche qui jouent un rôle crucial dans la production de connaissances scientifiques dans ce domaine en France. L’étude menée par le Centre National de Coordination de la Recherche (CNCR) entre novembre 2022 et 2023, sur 16 troubles psychiatriques, montre que la Fondation FondaMental est l’un des principaux producteurs de recherche en France. Avec d’autres vecteurs de recherche, comme l’INSERM, le CNRS, ou les plateformes nationales de recherche, la Fondation FondaMental, avec ses Centres Experts, structure une part significative de la recherche en psychiatrie

Les Centres Experts garantissent également un continuum entre recherche et pratique clinique. En effet, ces centres, adossés à des établissements de santé, fonctionnent en réseau, ce qui permet de suivre de vastes cohortes de patients et d’inclure ces données dans des études de grande envergure, ce qui serait impossible sans une telle infrastructure. En retour, les patients suivis bénéficient des dernières avancées scientifiques.

Dernièrement, la recherche française en psychiatrie et en addictologie a montré des avancées significatives, notamment dans l’évaluation de l’efficacité des traitements, dans la découverte des bases biologiques des maladies mentales (génétique, immunologiques, imagerie…), dans la découverte de nouvelles stratégies thérapeutiques, dans la mesure de l’impact médico économique des maladies mentales.

Le maintien et la continuité du financement des Centres Experts sont donc cruciaux. Sans ce soutien, la France risque de perdre un pilier essentiel de son réseau de soins et de recherche en psychiatrie. 

Aujourd’hui, le nouveau modèle de financement de la psychiatrie ne permet pas d’assurer la pérennité des Centres Experts, ni de favoriser la création de nouveaux centres, notamment dans les régions sous-dotées. Ce risque-là menace non seulement la viabilité des structures existantes, mais va freiner également la transformation du modèle de soins en psychiatrie, qui doit reposer sur une offre plus personnalisée, fondée sur l’expertise, l’innovation et la diffusion des savoirs.

Sachant qu’une personne sur cinq en France est touchée chaque année par un trouble psychiatrique, quels sont, selon vous, les principaux défis à relever pour renforcer l’offre de soins, en particulier dans les régions sous-desservies ? Quel rôle les Centres Experts peuvent-ils jouer dans cette évolution ? 

Emmanuelle Rémond : Les Centres offrent l’opportunité d’un bilan diagnostique complet, très bénéfique pour l’usager, et dans le contexte actuel de pénurie médicale, ils sont d’autant plus nécessaires à condition que le délai d’attente ne soit pas trop long. Face à l’augmentation des déserts médicaux dans de nombreuses régions de France, et à une démographie médicale en déclin, notamment en psychiatrie, ces centres offrent une solution efficace.

Le manque de médecins et la faible attractivité de la psychiatrie aggravent la difficulté à répondre aux besoins de soins complexes. Dans ce contexte, les Centres Experts répondent à deux enjeux majeurs : tout d’abord, ils constituent un relais essentiel dans les régions où les psychiatres sont rares ou absents. Un médecin généraliste peut y orienter des patients nécessitant une prise en charge spécialisée ou obtenir une confirmation du diagnostic pour mettre en place un projet thérapeutique adapté. De plus, ils permettent d’épauler les psychiatres dans leurs décisions thérapeutiques et d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients. Confrontés à des difficultés de recrutement et à une baisse du nombre de psychiatres dans le secteur public, les praticiens hospitaliers et libéraux trouvent ainsi dans les Centres Experts un soutien précieux. 

Dans un contexte où l’accès aux soins psychiatriques devient de plus en plus difficile, les Centres Experts jouent un rôle crucial en renforçant l’offre de soins spécialisés et en apportant un soutien concret aux professionnels de santé et aux usagers.

Les Centres Experts, en tant que centres de recours, ont prouvé leur efficacité dans la complémentarité des soins psychiatriques en France. Comment pourraient-ils être intégrés durablement dans l’offre de soins en psychiatrie, en complément des soins de ville et des services hospitaliers, à l’image de ce qui existe déjà dans d’autres domaines médicaux ? 

Pascal Mariotti : Les Centres Experts jouent un rôle crucial dans la transformation des soins psychiatriques en France, en offrant une complémentarité indispensable aux soins de ville et hospitaliers. Pour intégrer durablement ces centres dans le système de soins, il est essentiel de clarifier et structurer les niveaux de soins, inspirés des modèles d’autres disciplines médicales comme la cancérologie, en renforçant la gradation entre acteurs sur un même territoire ou entre territoires. Historiquement, la psychiatrie française a souffert d’une approche où chaque service et chaque hôpital se considérait capable de traiter tous les troubles, ce qui a freiné la coopération et l’efficacité des parcours de soins.

L’un des défis majeurs est donc de mieux définir l’expertise psychiatrique et les niveaux de recours, afin que les patients bénéficient de soins spécialisés au moment opportun. Cette approche intègre aussi la montée en compétence des professionnels de nos premières lignes de soins et le développement des filières de soins, pour permettre de transférer progressivement une partie de l’expertise vers les soins de première ligne. Les Centres Experts sont au cœur de ce processus évolutif, où les compétences se transmettent, se développent et se renouvellent.

L’avenir de la psychiatrie en France repose donc sur le maintien et le développement des Centres Experts, qui complètent les structures généralistes en renforçant leurs compétences et en améliorant l’organisation des soins. Pour soutenir cette dynamique, il est indispensable de renforcer les liens avec l’Université et d’encourager la recherche et l’innovation au sein des grands centres hospitaliers spécialisés. La pérennité des Centres Experts est primordiale pour garantir une organisation territoriale plus fluide, des soins plus pertinents, qualitatifs et personnalisés, ainsi qu’une psychiatrie plus compétitive à l’international.

Comment votre mandat à la tête de l’Unafam, association qui défend les intérêts des familles, des proches et des personnes souffrant de troubles psychiques, pourrait-il relayer ce besoin de pérennisation des Centres Experts ?

Emmanuelle Rémond : Élue par le conseil d’administration de l’Unafam, qui réunit 1 800 bénévoles, je suis chargée de mettre en œuvre notre plan stratégique sur cinq ans. L’un des axes majeurs de ce plan concerne le développement de relations avec des partenaires extérieurs, dont les Centres Experts de la Fondation FondaMental, qui sont des alliés naturels pour nous.

Les Centres Experts jouent un rôle clé dans notre objectif commun de promouvoir la recherche en psychiatrie et de diffuser les meilleures pratiques sur tout le territoire. Ces centres, grâce à une approche basée sur des thérapies issues de recherches rigoureuses et à une collecte anonyme des données dans le respect des droits des personnes, contribuent à améliorer la qualité des soins. Ils participent à la mise en œuvre de notre plan stratégique.

Nous avons besoin de soutenir ce développement pour que nos proches bénéficient des dernières avancées de la recherche, et reçoivent des soins adaptés aux troubles graves pris en charge par ces centres. Plus nous disposerons de Centres Experts, plus il sera possible d’offrir à nos proches un diagnostic complet, garantissant une prise en charge pertinente et efficace.

Par ailleurs, les Centres Experts représentent souvent une deuxième chance pour les patients, en particulier pour ceux qui sont jeunes et qui souvent décident de cesser les soins. Pour les familles, ces centres offrent une alternative à l’hospitalisation, permettant d’envisager un nouveau parcours de soins. Grâce aux diagnostics approfondis réalisés dans ces structures, de nombreuses personnes retrouvent le chemin des soins, ce qui redonne espoir à leur entourage.

Enfin, face à la complexité des maladies psychiatriques graves, il est essentiel de mettre en réseau les médecins, tant pour la prise en charge que pour l’expertise. Les Centres Experts proposent précisément cette approche collaborative, au bénéfice direct des patients et de leurs familles.

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