«Des altérations du plissement cortical sont identifiées dans un sous-groupe de patients souffrant de troubles bipolaires avec une forte charge neurodéveloppementale.»
Antoine Lefrere, Responsable du Centre Expert Bipolaire de l’APHM, chercheur à l’Institut de Neurosciences de La Timone (Aix-Marseille Université), membre de l’Alliance FondaMental.
Les troubles bipolaires font partie des troubles de l’humeur et sont caractérisés par une alternance d’épisodes dépressifs et de phases d’excitation. Les troubles bipolaires touchent entre 1 et 2,5 % de la population, soit entre 650 000 et 1 650 000 personnes et débutent en général entre 15 et 25 ans. Les troubles bipolaires présentent des formes très variées, si bien qu’il est indispensable de proposer de nouvelles méthodes pour améliorer l’identification de sous-groupes homogènes de patients souffrant de cette pathologie afin d’améliorer notre capacité à proposer des stratégies thérapeutiques personnalisées.
Dans cette perspective, l’hypothèse neurodéveloppementale des troubles bipolaires semble particulièrement pertinente. Dans une étude menée à l’Institut de Neurosciences de La Timone à Marseille (CNRS/ Aix-Marseille Université) en collaboration des équipes du réseau de la Fondation FondaMental, du CEA de Neurospin, (Paris Saclay, France) et des universités Paris Descartes (Paris, France), San Diego (Californie- USA), Mainz (Allemagne), Galway (Irlande), Milan (Italie) et Vérone (Italie), cette hypothèse a été vérifiée à l’aide d’un marqueur indirect, mais robuste, des processus neurodéveloppementaux: les sulcal pits.
L’anatomie du cerveau se divise en plusieurs lobes cérébraux (frontal, occipital, pariétal…). Chaque lobe est lui-même composé de différentes circonvolutions, qui rassemblent un ensemble de plis délimités par des sillons. C’est cette architecture qui donne au cerveau son aspect plissé. Les sulcal pits sont définis comme les points les plus profonds de ces sillons, qui seraient les premiers à se développer embryologiquement. La forme, le nombre et la profondeur de ces sulcal pits permet de mesurer le repliement progressif du cortex cérébral et sont donc des marqueurs fiables pour distinguer des patterns des troubles neurodéveloppementaux.
Les données rétrospectives d’imagerie cérébrale provenant de 261 patients bipolaires et de 251 participants contrôles ont été analysées et ont révélé un pattern de sulcal pits, à la fois à l’échelle globale du cerveau, mais aussi à une échelle plus locale, qui distingue clairement le groupe de patients bipolaires présentant un phénotype neurodéveloppemental (début précoce et/ou caractéristiques psychotiques au cours des épisodes) de celui ne présentant pas ce phénotype et du groupe de contrôles sains.
Ces résultats suggèrent que des marqueurs de morphométrie cérébrale pourraient être précieux pour aider à mieux comprendre la physiopathologie des troubles bipolaires. Ce travail va permettre de proposer des classifications de la pathologie basées sur des hypothèses et des marqueurs biologiques.