Chef du service de Psychiatrie des Hôpitaux Universitaires Saint-Louis, Lariboisière, Fernand Widal, et membre de la Fondation FondaMental, le Pr Frank Bellivier dirige une équipe Inserm qui explore les facteurs associés à la variabilité de la réponse aux psychotropes dans les troubles de l’humeur et les addictions. Il dirige plusieurs projets de recherche visant à prédire la réponse au Lithium dans les troubles bipolaires.
Il rappelle quelques-uns des défis auxquels les praticiens sont confrontés pour définir la stratégie thérapeutique d’un patient atteint de troubles bipolaires et présente les perspectives offertes par la recherche.
Les prémisses d’une médecine personnalisée…
»La prise en charge des troubles bipolaires fait l’objet de recommandations de bonnes pratiques fondées sur les avancées de la recherche. De véritables progrès ont été faits ces dernières années plaidant pour une prise en charge globale des troubles bipolaires, dans toutes leurs dimensions (somatique, cognitive, psychiatrique…), grâce au développement d’un arsenal thérapeutique complexe (médicamenteux et non-médicamenteux). En effet, ainsi que nous le faisons au sein des Centres Experts FondaMental, il est vivement recommandé de prendre en compte les pathologies associées (somatiques et psychiatriques), le stade de la maladie, les troubles cognitifs ou encore les symptômes résiduels (sommeil, régulation émotionnelle) avant de définir une stratégie de prise en charge comportant plusieurs volets. Des améliorations peuvent encore être apportées et la poursuite de l’effort de recherche permettra de mieux codifier les prises en charge en fonction du profil des patients.»
… mais une prise en charge encore empirique des troubles bipolaires
»Cepandant, malgré ces avancées, la prise en charge des personnes atteintes de troubles bipolaires reste un exercice bien souvent délicat pour les psychiatres. La grande variabilité de la réponse aux traitements médicamenteux et le manque d’outils nous permettant de la prédire font que le choix des stratégies thérapeutique se fait souvent à tâtons. Nous ne disposons pas non plus d’éléments nous permettant d’anticiper la tolérance à ces traitements et la survenue d’effets secondaires indésirés. Il en résulte des séquences de traitements empiriques longues, avec de nombreux essais de combinaisons de traitement avant de trouver le bon. Quand on sait que le choix précoce d’une stratégie thérapeutique adaptée améliore le pronostic de la maladie, il est grand temps que nous disposions d’outils nous permettant de prédire, de façon précoce, la réponse aux traitements.
La situation actuelle occasionne une perte de chance dommageable pour nombre de malades. Pr Frank Bellivier
Vers une médecine prédictive : exploration des voies du métabolisme
»Au sein de mon équipe de recherche et en collaboration avec les Centres Experts FondaMental troubles bipolaires, nous portons plusieurs projets pour tenter d’identifier les voies biologiques impliquées dans la réponse aux traitements des troubles bipolaires. Nous nous intéressons particulièrement aux sels de lithium qui constituent le traitement de référence pour la prévention des rechutes et du risque suicidaire. Nous étudions les effets moléculaires de la prise de ce traitement chez les patients répondeurs et non-répondeurs.
30% des patients traités par sels de lithium présentent une rémission complète des symptômes, 30% des patients répondent partiellement et 40% sont non-répondeurs. Pr Frank Bellivier
Les premiers résultats obtenus ne nous ont pas encore permis d’identifier des marqueurs biologiques associés à la réponse à ce traitement. Mais nous avons ouvert des pistes prometteuses et passionnantes autour desquelles nous continuons de travailler. En effet, il existe différentes sources possibles de cette grande variabilité de réponse : la pharmacocinétique s’intéresse à l’absorption, la distribution du médicament; les travaux en génétique nous ont permis d’identifier des voies métaboliques impliquées dans les rythmes circadiens ou encore l’inflammation; enfin, une nouvelle technique d’imagerie cérébrale nous a permis de mettre en évidence une distribution très hétérogène du lithium dans le cerveau, posant la question du lien entre cette distribution cérébrale et la réponse au lithium.»
Toutes ces pistes sont passionnantes et nécessitent de soutenir l’effort de recherche. Pr Frank Bellivier