Un diagnostic décisif dans l’évolution des symptômes
Le trouble bipolaire est un trouble de l’humeur qui se caractérise par une succession d’épisodes de dépression et d’excitation/exaltation appelés manie ou hypomanie. Les personnes vivant avec ce trouble sont généralement traitées avec des régulateurs de l’humeur afin de réduire la sévérité de leurs symptômes et prévenir les rechutes.
Comme les personnes bipolaires, les personnes unipolaires présentent également des épisodes dépressifs. De ce fait, les patients bipolaires sont souvent diagnostiqués à tort comme unipolaires et sont traités uniquement avec des antidépresseurs. Malheureusement, ce type de traitement a pour effet d’aggraver l’évolution des symptômes, s’il n’est pas combiné avec des régulateurs de l’humeur.
D’après les chiffres, c’est plus de 40% des personnes avec un trouble bipolaire qui sont à l’origine diagnostiquées unipolaires, et le délai moyen pour un diagnostic correct est de 7,5 ans. (1)
« Aujourd’hui, un médecin ne peut distinguer un patient bipolaire d’un patient unipolaire qu’après s’être longuement entretenu avec lui et ses proches, ce qui nécessite, non seulement, beaucoup de temps mais également une formation très spécialisée », nous explique le Dr Raoul Belzeaux, psychiatre spécialiste des troubles bipolaires à l’Hôpital Universitaire de Marseille et chercheur à l’Institut de Neurosciences de la Timone.
Affiner le diagnostic du trouble bipolaire à l’aide de trois biomarqueurs
C’est dans ce contexte que le Dr Raoul Belzeaux et le Pr Nicolas Glaichenhaus, professeur d’Immunologie à Université Côte d’Azur, Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire (IPMC) / CNRS, en collaboration avec le Pr Philippe Courtet, professeur de Psychiatrie au CHU de Montpellier, et d’autres chercheurs et médecins du réseau de la Fondation FondaMental, ont conduit une étude dont l’objectif était de décrire des biomarqueurs sanguins permettant de prédire si un patient dépressif est atteint de troubles bipolaires ou unipolaires.
Les résultats démontrent que le dosage de trois protéines dans le sang peut permettre au médecin d’affiner son diagnostic et donc d’identifier plus facilement le trouble bipolaire.
Ces marqueurs biologiques identifiés peuvent facilement être dosés dans un laboratoire d’analyses médicales public ou privé, contrairement à d’autres biomarqueurs en cours de développement qui ne peuvent être quantifiés uniquement dans des laboratoires de recherche spécialisés à l’aide d’équipements coûteux.
« Contrairement à la majorité des études dans ce domaine, les résultats ont été obtenus en analysant les échantillons biologiques et les données cliniques de plusieurs centaines de patients et à l’aide de méthodes d’intelligence artificielle. Par la suite, ces résultats ont été confirmés sur une cohorte indépendante. » précise le Pr Philippe Courtet.
Améliorer la prise en charge et poursuivre la recherche de biomarqueurs
La découverte de ces biomarqueurs promet d’enrichir la pratique des professionnels de santé dans le diagnostic du trouble bipolaire et ainsi d’améliorer la prise en charge des personnes, en réduisant les délais et les diagnostics inexacts.
Pour le Pr Nicolas Glaichenhaus et le Dr Raoul Belzeaux, cette innovation diagnostique ouvre la voie à des futures actions prometteuses : « Nous avons l’intention de créer une start-up dans le courant de l’année 2021 pour accélérer le déploiement de ce nouvel outil diagnostic. En partenariat avec la Fondation FondaMental, nous avons aussi l’ambition de trouver d’autres biomarqueurs afin d’améliorer le test diagnostic. »
En collaboration avec des équipes danoises, allemandes et espagnoles, ils ont répondu à l’appel d’offres ERAnet sur la médecine personnalisée afin d’obtenir les financements nécessaires pour atteindre cet objectif.
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(1) Hirschfeld R.M. J. Affect. Disord. 2014;169(1):S12-S16 & Ghaemi SN et al. J. Affect. Disord. 1999;52:135-144.
Source : Raoul Belzeaux, Nicolas Glaichenhaus, Philippe Courtet et al. // Brain behaviour and Immunity Health // Blood cytokines differentiate bipolar disorder and major depressive disorder during a major depressive episode: Initial discovery and independent sample replication