«Les maltraitances dans l’enfance sont associées à une moins bonne santé physique dans les troubles bipolaires.»
Ophélia Godin, épidémiologiste, chercheuse à la Fondation FondaMental, Institut Mondor de Recherches Biomédicales.
Les personnes souffrant de troubles bipolaires présentent un risque augmenté de présenter des maladies somatiques ou physiques. Cela concerne principalement les maladies cardio-vasculaires, le diabète, et certaines pathologies cancéreuses. Ce risque est lié à de multiples facteurs de risque, dont les antécédents familiaux, les consommations de tabac ou d’autres produits toxiques, l’hygiène de vie, ou l’exposition à certains médicaments psychotropes parmi d’autres. De plus, il existe des données en population générale suggérant que les antécédents de maltraitances dans l’enfance sont associés à une moins bonne santé physique à l’âge adulte. Or, ces antécédents sont très fréquemment rapportés par les personnes souffrant de troubles bipolaires. Nous nous sommes donc interrogés pour savoir si les antécédents de maltraitances dans l’enfance étaient associés à une moins bonne santé physique chez les personnes souffrant de troubles bipolaires.
Pour cette étude, nous avons étudié les données médicales et les questionnaires de maltraitances dans l’enfance chez 2891 personnes évalués dans le Réseau National des Centres Experts Troubles Bipolaires de la Fondation Fondamental. Les personnes sont évaluées sur le plan médical grâce à une liste de 29 maladies somatiques qu’ils ont pu présenter au cours de leur vie et dont ils peuvent encore souffrir à l’âge adulte. Cette liste concerne les troubles neurologiques, cardio-vasculaires, endocriniens et métaboliques, urinaires, dermatologiques, hépatiques et digestifs, les allergies, maladies auto-immunes, pathologies cancéreuses et maladies infectieuses chroniques. Nous avons construit un score très simple de «fardeau médical » qui correspond à la somme de toutes les pathologies qu’une personne a présentées - ou présente encore actuellement - au cours de sa vie.
Dans cette population, 45% des personnes présentent au moins deux maladies somatiques (en plus du trouble bipolaire). Les pathologies somatiques les plus fréquentes sont : l’eczéma, les allergies, les céphalées/migraines, les troubles thyroïdiens et les troubles lipidiques. Lorsque l’on étudie les facteurs qui augmentent ce fardeau médical, plusieurs associations sont observées. Le fardeau médical est plus important chez les hommes et augmente avec l’âge. Le fardeau médical est plus important en cas de surpoids, s’il existe des troubles anxieux, s’il existe des troubles du sommeil persistants et si les épisodes de la maladie bipolaire sont plus fréquents. De manière importante, les antécédents de traumatismes dans l’enfance sont également fortement associés à une augmentation de ce fardeau médical. Il s’agit tout particulièrement des abus émotionnels, physiques et sexuels que les patients rapportent dans leur histoire de vie.
Cette étude permet donc de montrer qu’il existe une association entre les maltraitances/abus dans l’enfance et une moins bonne santé à l’âge adulte. Mieux comprendre les facteurs qui influencent la santé physique à l’âge adulte est un enjeu majeur de la prise en charge. Ces études permettent d’envisager des pistes pour améliorer la santé physique de patients qui sont plus vulnérables aux maladies somatiques.
Ce travail de recherche a été conduit par
Docteur Ophélia Godin - Chargée de Recherche - INSERM IMRB
Professeur Bruno Etain - Université Paris Cité