Point Recherche Pauline FAVRE
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Point Recherche du 05 juin 2024 - Pauline Favre

Publié le 5 juin 2024

« L’étude des connexions entre différentes parties du cerveau nous permet de mieux comprendre les variations de l’humeur dans le trouble bipolaire »

Pauline Favre, PhD, INSERM U955, équipe NeuroPsychiatrie Translationnelle ; plateforme de neuroimagerie Neurospin, CEA - Paris Saclay ; Fondation FondaMental.

Dans cette étude menée avec Sidney Krystal de la Fondation Rothschild et Josselin Houenou (INSERM, Neurospin, Fondation Fondamental, AP-HP), nous avons découvert des anomalies de la connectivité fonctionnelle entre différentes régions cérébrales chez les patients atteints de troubles bipolaires, en fonction de leur état d’humeur, dépressif ou maniaque.

La connectivité fonctionnelle se réfère à l’idée que les fonctions cérébrales ne dépendent pas simplement de régions spécifiques du cerveau, mais de l’échange et de la communication entre ces régions. Contrairement à l’ancien modèle « localisationniste » du début du XIXe siècle, qui attribuait chaque fonction cognitive à une région précise du cerveau (que l’on retrouve dans l’expression « la bosse des maths »), cette approche met l’accent sur les connexions entre les différentes parties du cerveau. Ces connexions jouent un rôle crucial en amplifiant ou réduisant les signaux cérébraux et en favorisant le « dialogue » entre les régions cérébrales à un moment donné. Cela permet l’émergence de fonctions complexes qui ne pourraient pas être réalisées par des régions isolées du cerveau. En d’autres termes, le cerveau est un ensemble extrêmement dynamique qui fonctionne de manière intégrée : comme l’écrivait Aristote, « le tout est supérieur à la somme des parties ».

Dans cette étude, nous avons utilisé l’IRM fonctionnelle au repos pour examiner la connectivité de l’amygdale, une région clé pour les émotions, dont une altération du fonctionnement a été mise en évidence chez les patients avec un trouble bipolaire. En revanche, à ce jour, aucune étude ne s’était intéressée à la connectivité des sous-noyaux de l’amygdale, qui selon les études précliniques seraient impliqués dans le codage des émotions positives et négatives, en fonction de l’état d’humeur des patients. En effet, les troubles bipolaires, qui concernent entre 1 et 2,5% de la population, se caractérisent par une alternance entre des phases d’excitation intense (manie) et de dépression. Mieux comprendre les mécanismes à l’origine de ces changements d’humeur pourrait permettre de mieux les anticiper, et ainsi de réduire la fréquence et l’intensité des symptômes aigus.

Grâce à un échantillon de 127 patients provenant de trois centres (Neurospin/Créteil, Grenoble et Genève), nous avons pu distinguer des profils de connectivité fonctionnelle différents entre les patients présentant des symptômes dépressifs et ceux présentant des symptômes maniaques. Nous avons découvert que les patients dépressifs avaient une connectivité réduite entre le noyau latéral de l’amygdale droite et l’hippocampe (antérieur et postérieur), tandis que les patients (hypo)maniaques montraient une connectivité accrue entre le noyau médial de l’amygdale gauche et la partie ventrale du noyau accumbens.

Ces résultats nous permettent de mieux comprendre les variations de l’humeur dans le trouble bipolaire et ouvrent de nouvelles pistes pour le diagnostic et le traitement de cette maladie. En particulier, des techniques de neuromodulation non invasives, comme le neurofeedback, pourraient cibler ces circuits cérébraux afin de réduire les fluctuations de l’humeur chez les patients. Plusieurs recherches en ce sens sont en cours dans notre laboratoire (Laboratoire Neurospin/INSERM U955, équipe PsyBrain).

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